SOMMAIRE
A propos : La prescription biennale dans tous ses états
GARANTIE DE L’ASSUREUR RC ET OBLIGATION IN SOLIDUM
FAUTE INTENTIONNELLE ET VOLONTE DE CREER LE DOMMAGE
LA FAUTE DOLOSIVE N’EST PAS LA FAUTE INTENTIONNELLE
EXCLUSION ET CONDITION DE LA GARANTIE
L’IMPOSSIBILITE DES OPTIONS
Le billet, détails
Actualités : AMRAE et CAPTIVES
RETOUR SUR LA PRESCRIPTION ET UNE FORMULE ENIGMATIQUE
Les mots et les choses : sur la nécessaire précision des clauses d’exclusion et des titres auxquelles elles se rattachent
LIENS D’ACCES A LA TOTALITE DES PAGES BELDEV
La prescription biennale, en matière d’assurance, instituée par l’article L. 114-1 du code des assurances qui édicte que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance » semble constituer un vrai problème pour les juridictions.
Elles semblent considérer que le texte fait une part trop belle à l’assureur, l’assuré étant, en réalité, présumé victime.
Déjà, comme on le sait, la Cour de Cassation avait inventé la règle inversée selon laquelle “nul n’est censé connaitre la Loi”, en imposant, faute d’opposabilité de ladite prescription, la reprise intégrale, dans les contrats d’assurance du texte.
Mieux encore, comme on l’a rappelé dans ces “pages”, l’imprescriptibilité avait été instituée, la prescription quinquennale de droit commun ne se substituait pas, dans ce cas d’inopposabilité à la prescription biennale, laquelle rejoignait ainsi, curieusement, les crimes contre l’humanité…
Les assureurs ont du revoir leur copie. A deux reprises au demeurant, lorsqu’il a fallu ajouter, pour faire tourner les rotatives d’imprimerie, après un nouvel arrêt, ce qu’on entendait par “causes ordinaires de prescription” qui s’ajoutaient aux règles spéciales..
Ce n’est pas terminé pour cette pauvre prescription qui n’est pourtant pas la seule dans notre droit judiciaire privé.
Déjà, la Cour de cassation proposait, dans ses rapports annuels, sans être cependant suivi par le législateur, une suspension du délai de prescription pendant la durée des pourparlers avec l’assureur. Puis, elle suggérait que le délai de prescription soit porté à 5 ans, comme celui de droit commun.
Voici que maintenant c’est la Cour de Cassation qui saisit, certes, à la requête de justiciables, le renvoi au Conseil constitutionnel (Cass. 2e civ. QPC, 7 oct. 2021, n° 21-13.251).
En effet une questions prioritaire de constitutionnalité (QPC) est désormais posée à la Cour Constitutionnelle, sur la question de savoir si l’article L. 114-1 du code des assurances qui institue la prescription biennale ne serait pas contraire au principe d’égalité devant la justice concomitant du principe d’égalité devant la loi; Selon ce moyen, ce délai de deux ans est institué alors que « dans les autres contrats, les actions introduites par les consommateurs à l’encontre des professionnels sont soumises au délai quinquennal de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil »
On en appelle même à la déclaration des droits de l’homme : « la garantie des droits protégée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui implique, le droit au recours effectif, le droit au respect des droits de la défense et l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des justiciables et des parties à une même procédure ».
Fichtre !
Tout se passe comme si les assureurs, manifestement pas des justiciables comme les autres, devaient être vilipendés, comme si leur statut était incompatible avec une loi, somme toute banale, une telle prescription pas si courte que cela au demeurant, existant dans d’autres secteurs (le transport avec une prescription d’un an, le vice caché concernant tous les vendeurs et sa forclusion de deux ans).
Tout se passe encore comme si le “spécial”, qui est la “particularité” devait être effacé au profit du général, du “commun (ici le droit)
L’on n’est pas loin d’autres débats de nature anthropologique qui jonglent avec l’universel et le particulier, qui envahissent l’espace médiatique et les réseaux sociaux.
L’institution d’une prescription biennale en matière d’assurance a pour fondement la clarté des comptes sociaux, contre les épées de Damoclès de sinistres non provisionnés qui surgissent tardivement et bouleversent l’économie de l’Entreprise.
Soit.
Deux réflexions s’imposent :
D’abord, dans le champ “général” : une loi ancienne peut-elle être défaite assez facilement par l’institution des QPC ?
Ensuite, dans le champ particulier de la prescription en matière d’assurances,: ne serait-il pas équitable de considérer que dans le cas d’une inopposabilité de la prescription pour omission des mentions complètes sur les causes de son interruption dans les contrats d’assurance, ce soit la prescription quinquennale qui se substitue à la prescription “courte” et non l’imprescriptibilité, dans l’infini des actions.
PS. Ce petit billet a été rédigé avant que le Conseil Constitutionnel ne rende sa décision le 17 décembre 2021 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021957QPC.htm)
Les motifs :
La différence de traitement critiquée par les requérants, qui est ainsi fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi. En second lieu, en prévoyant l’application d’un même délai de prescription de deux ans tant aux actions des assurés qu’à celles des assureurs, les dispositions contestées n’instituent aucune différence de traitement entre les parties à un contrat d’assurance.
Le Conseil conforte ainsi le particularisme du contrat d’assurance, et rejette la Question Prioritaire de constitutionnalité, en rappelant que « La différence de traitement, qui est ainsi fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi » Selon le Conseil, la prescription s’adapte aux particularités, aux différences. Défenseur de l’universel de certains droits, le Conseil s’attache ainsi à défendre la particularité. Signe d’une démocratie.
Particularité et, concomitamment, égalité puisqu’aussi bien le conseil rappelle également qu’il ne peut exister de différence de traitement entre les deux parties au contrat, puisque le même délai de deux ans s’applique tant à l’action de l’assureur qu’à celle de l’assuré.
Cass. 3e civ., 16 sept. 2021, n° 20-15.518
Un arrêt non surprenant mais clair sur des règles quelquefois oubliées.
L’assureur de responsabilité civile ne peut prétendre, sauf sauf si le contrat d’assurance prévoit une clause excluant les conséquences d’une condamnation in solidum, échapper au paiement total (et, évidemment exercer par la suite son recours contre les autres personnes condmnés in solidum.
La clause limitant la garantie de l’assureur * « à la part contributive incombant in fine à son assuré dans l’indemnisation du dommage »*est valable selon la jurisprudence, sauf dans le cas d’une assurance obligatoire l’interdisant.
Ainsi le juge ne peut limiter la condamnation de l’assureur à la part de responsabilité incombant à son assuré, dont le pourcentage a été fixé, dans les rapports entre les co-obligés. après l’avoir condamné in solidum avec tous
Cass. 2e civ., 16 sept. 2021, n° 19-25.678, n° 834 B
Soit un assuré condamné pour incendie volontaire. L’assureur refuse, logiquement sa garantie.
Les juridictions sont saisies sur le point de savoir si la garantie est cependant acquise pour les dommages qu’il n’a pas eu la volonté, au moment précis de son intention, de créer.
C’est l’histoire de la porte et l’immeuble que beaucoup de juristes connaissent : l’assuré met le feu à la porte de son voisin (qu’il trouve laide ou qui fait trop de bruit). Le feu se propage à tout l’immeuble. La Jurisprudence était claire : les dommages à l’immeuble était garantis malgré la faute intentionnelle, l’assuré n’ayant pas voulu les créer…
Dans l’arrêt précité, l’enquête pénale avait établi qu’en pleine nuit, l’assuré avait mis le feu, par de l’essence et un briquet, sous une porte vitrée de l’immeuble. Propagation après explosion dans tout l’immeuble.
L’assureur Dommages indemnise, exerce son recours contre le prévenu et son assureur la clause excluant « les dommages causés ou provoqués intentionnellement par vous, ou avec votre complicité ».
La cour d’appel suit et retient la faute intentionnelle de l’assuré, « caractérisée dès lors que l’assuré a volontairement commis un acte dont il ne pouvait ignorer qu’il allait inéluctablement entraîner le dommage et faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque », ce qui était le cas. Elle déduit de cette définition, « qu’il n’est […] pas nécessaire de rechercher si l’assuré a voulu le dommage tel qu’il s’est réalisé ».
Arrêt cassé pour violation de l’article L. 113-1 du code des assurances, pour les motifs suivants :
« la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu et n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l’infraction ».
La cour d’appel avait constaté que l’assuré n’avait pas eu la volonté de mettre le feu pou détruire tout l’immeuble, mais seulement le bien visé (celui de sa compagne).
Certains ont pu considérer que cet arrêt reflète un retour vers une définition classique de la faute intentionnelle et tourne le dos à une définition “moderne”, objective et non subjective, celle de la faute dolosive, selon laquelle c’est la suppression de l’aléa qui prévaut.
Le débat n’est pas clos. Nous l’avions exposé dans une précédente livraison de ces pages.
Considérons qu’en l’état, la notion de “volonté de créer le dommage” est celle qui doit être prise en considération, même si la notion objective de “faute dolosive” qui s’en éloigne, en laissant le sujet (l’assuré) pour en venir à l’objet du contrat (sans aléa) n’est pas encore morte après être née il n’y a pas très longtemps.
Nous consacrerons un numéro spécial des “pages beldev” à la question de l’aléa et à cette occasion, nous reviendrons sur les deux conceptions.
En l’état, et dans la section qui suit, l’on revient sur des arrêts récents concernant la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle souvent présente dans nos “pages”, l’analyse s’imposant.
On rappelle ici l’article L113-1 alinéa 2 du Code des assurances lequel dispose que “l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré”.
La faute dolosive est celle qui fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, l’acte de l’assuré étant un acte délibéré, qui conduit – et il le sait- à la réalisation inéluctable du sinistre.
La Cour de cassation vient de rendre 3 arrêts de nature à, mieux appréhender la notion.
Soit un opérateur financier qui propose à des particuliers un dispositif dit « Girardin Industriel » de nature à bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu.
Il est prévu par l’article 199 undecies B du code général des impôts, pour des personnes ayant souscrit en 2011 un produit de défiscalisation en vue de l’acquisition et de la mise en location de stations autonomes d’éclairage alimentées par des panneaux photovoltaïques à la Réunion
Cependant, la loi de finances pour 2011, opérant un changement, a rendu inéligibles à la défiscalisation ces investissements.
Les intéressés ne peuvent donc pas bénéficier de cet avantage fiscal.
Ils assignent la société financière qui leur avait proposé ce produit, ainsi que son assureur de responsabilité civile.
L’assureur dénie sa garantie en considérant que son assuré a commis une faute dolosive au sens de l’article précité.
La cour d’appel fait droit à cette argumentation : elle estime qu’en vendant des produits de défiscalisation alors que l’avantage fiscal qui devait en résulter n’était plus garanti, la société assurée a commis une faute dolosive exclusive de tout aléa.
Pourvoi des demandeurs. Ils font valoir qu’il ne résultait pas expressément des termes de la loi de finances et des travaux préparatoires que l’exclusion du champ d’application de la loi Girardin des investissements portait exactement sur les installations en cause ; que dès lors, le dommage n’était pas certain ou inéluctable et l’aléa existait.
3 arrêts sur le sujet sont rendus le même jour
Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, n° 19-12.659
Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, n° 19-12.660
Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, n° 19-20.861
Deux des arrêts sont cassés pour défaut de base légale, faute d’avoir procédé à la recherche de la disparition de l’aléa. Selon la Cour de cassation, « la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l’exclusion de la garantie de l’assureur dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l’assuré qui ne pouvait ignorer qu’il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ».
De fait, la Cour d’appel n’avait pas répondu à la question de savoir si une autre interprétation de la Loi de finances n’était pas exclusive de cette disparition d’aléa…
En réalité, pour invoquer la “faute dolosive” , deux conditions sont nécessaires :
L’une, objective : - la disparition de l’aléa
L’autre subjective : la conscience par l’assuré d’un acte délibéré qui occasionne un dommage
En l’état, et avant notre « numéro spécial » sur le sujet, l’on retient ces deux conditions et l’autonomie de la faute dolosive au regard de la faute intentionnelle (cf supra section précédente)
Cass. 2e civ., 14 oct. 2021, n° 20-14094
Une clause qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque constitue une clause d’exclusion de garantie,
Le débat sur le fait de savoir si, dans un contrat d’assurance, nous sommes en présence d’une “clause d’exclusion” ou d’une “condition de la garantie” nous semble assez forcé. Nous avons déjà eu l’occasion de l’affirmer.
En effet, s’agissant de la preuve, le fait de savoir qui doit l’apporter est surabondant et déconcentre les énergies puisqu’aussi bien dans les deux cas, celui qui prouve peut voir s’opposer une démonstration contraire qui constitue, dans les faits, une preuve de celui qui n’avait pas à prouver.
C’est donc le type d’interrogation qui a pu hanter les amphithéâtres de faculté, qui n’a qu’un intérêt relatif et souvent non décisif dans la pratique.
Il est vrai, cependant, que la distinction parfois subtile entre les clauses d’exclusion de garantie et les clauses définissant l’objet de la garantie peut avoir son importance puisqu’en effet les clauses définissant l’objet de la garantie n’ont pas à être formelles et limitées. Et, partant peuvent subir une interprétation, à l’inverse des exclusions de garantie, lesquelles, à la seconde même d’une possibilité d’interprétation perd tout son effet et se constituent en clause non écrite ou, en tous cas confèrent à l’assuré le bénéfice du doute de son explication..
Mais, encore une fois, dans la réalité argumentaire, si l’on ose dire, tous s’acharneront à prouver le tout et son contraire.
Il nous faut, cependant ici, faire état, dans cette logique du dernier arrêt de la Cour de cassation concernant la clause du “défaut d’entretien” ou du “caractère accidentel” du sinistre figurant dans les contrats d’assurance “Dommages”.
Soit des sinistres Dégâts des eaux dans un immeuble en copropriété, répétés, des fuites de canalisations communes, qui causent des dommages à un tiers. Le syndicat est assigné en même temps ainsi son assureur.
Refus de garantie de ce dernier qui fait état d’une clause du contrat sous le titre « exclusions communes à toutes les garanties » qui prévoit que ne sont pas garantis des dommages ayant pour origine “un défaut d’entretien ou de réparation, incombant à l’assuré et connu de lui”, le sinistre devant au surplus être “accidentel”
La Cour donne raison à l’assureur, sur le fondement de l’absence d’aléa lequel constituerait non pas une une cause d’exclusion de garantie mais une cause de non-assurance, l’exigence du caractère accidentel des désordres correspondant en effet à une condition d’ouverture de la garantie et non à une exclusion de garantie. De fait, les dommages aux tiers étaient prévisibles et dépourvus de caractère aléatoire, eu égard à la répétitivité et à l’absence concomitante d’un sinistre accidentel, le défaut d’entretien étant à leur origine…
L’arrêt est cassé au visa de l’article L. 113-1, alinéa 1 du code des assurances selon lequel “les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police”
Or la Cour d’appel avait pris en considération “une clause, qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, laquelle constitue une clause d’exclusion de garantie”.
Bon, c’est à l’assureur de “démontrer”. Ce qui avait déjà été fait, selon nous. Les faits étant, en réalité, la preuve elle-même.
L’arrêt est intéressant en ce qu’il ne dit pas que la clause viderait le tout de sa substance et n’emploie pas du “prêt-à-juger” de ce style, laissant à la Cour d’appel de renvoi l’ouverture de la non-garantie, après une démonstration de l’assureur qui a la charge de prouver…
Il faut trancher, nous dit la Cour de Cassation, pas d’option possible entre deux fondements.
On approuve: il faut choisir.
1 - PAS D’OPTION ENTRE ACTION EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE ET DELICTUELLE
Cass. 1re civ., 10 nov. 2021, n° 19-18.566
Le sous-acquéreur est en possession de tous les droits et actions attachés à la chose qui lui a été cédée. Il peut donc exercer une action directe contractuelle contre le le fabricant qui ne le connait même pas.
Ainsi, un bateau. On change son mât. Puis il est vendu plusieurs fois. Des années plus tard, il subit un démâtage en mer. L’actuel propriétaire assigne, après expertise (responsabilité du réparateur) son vendeur et le réparateur.
Gagné. La cour d’appel condamnant le réparateur aux préjudices matériels et d’immobilisation, sur le fondement de la responsabilité délictuelle ce dernier étant considéré comme un tiers au contrat de changement de mât.
Pourvoi, le réparateur du mât fait valoir que le demandeur fait partie intégrante d’une chaîne de contrats translatifs de propriété. Dès lors, « l’action directe du créancier extrême exercée contre le débiteur initial est nécessairement de nature contractuelle ».
L’acquéreur final aurait du exercer l’action en garantie des vices cachés sur le terrain contractuel.
Cassation, au visa de l’article 1147 (ancien). En effet, le sous-acquéreur, ayant dans son patrimoine les droits de son vendeur, dispose contre le réparateur d’une action directe contractuelle fondée sur l’inexécution d’une obligation, exclusive d’une responsabilité délictuelle.
PAS D’OPTION ENTRE GARANTIE DES VICES CACHES ET OBLIGATION DE DELIVRANCE
Cass. 3e civ., 17 nov. 2021, n° 20-15.567
Le défaut qui affecte le bien vendu le rend impropre à son usage. Et dans ce cas, l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement possible de la demande de l’acquéreur. Répété mille fois par la Cour de cassation.
Ici, un achat par un particulier d’un local à usage professionnel faisant partie d’un programme immobilier, donné à bail à un commerçant, avec clause d’exclusion de la garantie des vices cachés. Des désordres apparaissent (plancher du local),
Référé expertise puis assignation du vendeur et du locataire en réparation de leur préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés pour l’un, et de l’article 1382 (devenu 1240) du code civil, pour l’autre.
Le Tribunal leur donne raison sur le fondement du non-respect de l’obligation de délivrance. En effet, il existait bien un vice caché rendant le local à usage d’atelier impropre à sa destination, mais les juges ont considéré que le défaut de portance du plancher constituait une non-conformité relevant de l’article 1604 du code civil.
Décision cassée au visa des articles 1604 et 1641 du code civil.
Quand le défaut qui affecte le bien vendu le rend impropre à son usage normal, l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement possible de la demande de l’acquéreur.
On ne peut résister à, simplement, coller ici des extraits d’un des merveilleux livres de Marcel Cohen (pas Albert), scrutateur des “détails” du monde.
a) On sait très bien quel fut le bruit le plus violent jamais perçu par une oreille humaine. Il s’agit, le 27 août 1883, de l’explosion du volcan Krakatoa, situé entre les îles de Sumatra et de Java. On estime que la déflagration fut entendue sur un douzième de la surface terrestre et jusqu’à une distance de cinq mille kilomètres. Elle rendit sourdes pour le restant de leur vie des populations entières.
b) Dans L’homme foudroyé, Blaise Cendrars note que les vingt-six lettres de l’alphabet permettent 620 448 017 332 394 393 360 000 combinaisons différentes. Comme ce nombre est à peu près illisible, Cendrars le traduit à l’aide de l’alphabet et l’arrondit pour ne pas compliquer inutilement la lecture : « des trillions de billions de millions de millions.
c) En Inde, une loi oblige, sous peine d’amende, les charmeurs de serpents à faire opérer l’animal avec lequel ils gagnent leur vie afin de lui implanter une puce électronique sous la peau. En identifiant chaque reptile, la puce a pour objectif de limiter le nombre de cobras amputés de leur poche à venin et de préserver ainsi une espèce en danger d’extinction.
d) Un magazine hebdomadaire remarque que les six chaînes de télévision les plus regardées en France « assassinent en moyenne mille personnes par semaine ». C’est beaucoup plus de meurtres qu’un inspecteur de la Brigade criminelle ne peut espérer en élucider en quarante ans d’une carrière bien remplie.
e) Le philosophe Michel Serres note, pour sa part, qu’aux États-Unis un adolescent de quatorze ans a déjà vu vingt mille meurtres à la télévision. Quelles que soient les mœurs des sociétés disparues, c’est la première fois, dans l’histoire de l’humanité, que la sensibilité de la jeunesse est soumise à un tel traitement, remarque le philosophe.
EXTRAITS DE “DETAILS” de MARCEL COHEN, Editions Gallimard
L’AMRAE va créer la Fédération Française des Captives d’Entreprise
Communiqué :
Suite au report par le gouvernement de l’adoption des mesures fiscales dans le Projet de Loi de Finances 2022 destinées à encourager la création de captives en France, l’AMRAE (Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise) a annoncé le 23 novembre dernier la création prochaine de la Fédération Française des Captives d’Entreprise.
Cette fédération aura pour objectif de porter les intérêts de ces entreprises dans le débat public et accompagnera les projets de création et de déploiement de captives en France.
Face à l’émergence de risques exceptionnels et systémiques multiples, dans un contexte où le marché de l’assurance ne répond plus aux besoins des entreprises, quelle que soit leur taille, l’AMRAE souhaite mettre en avant l’intérêt majeur des captives de (ré)assurance dans l’organisation de la résilience des entreprises et, en conséquence, du tissu économique français.
En 2021, l’AMRAE a recensé plus de 50 entreprises françaises ayant des projets de création de captives, dont plusieurs ont récemment demandé un agrément à des régulateurs européens pour les domicilier hors de France
RAPPELS : TECHNIQUE DE LA CAPTIVE ET DU FRONTING
1 - On rappelle ici que la captive est une manière, pour une grande entreprise de s’auto-assurer (avec réassurance), soit par volonté, soit parce que les assureurs classiques ne veulent pas garantir certains types de risques
2- On rappelle encore que le fronting, lui, met en place un assureur en première ligne, une captive en couverture. Il s’agit d’un mécanisme qui s’est fortement développé, notamment au regard de l’obligation de faire appel à un assureur solvable et connu.
Donc, des assureurs traditionnels en première ligne, la captive en couverture.
Plusieurs types de risques sont couverts par autant d’assureurs qui se présentent en première ligne. Comme c’est souvent le cas face à des risques pouvant entraîner des indemnisations élevées, les assureurs se réassurent.
En réalité, le réassureur n’est autre que la captive, qui devient pour l’occasion une captive de réassurance. C’est cette dernière qui couvre en réalité de 90 à 100 % du risque, la société cliente ayant pour sa part respecté son obligation de faire appel à un assureur indépendant.
Prescription de l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable
Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n° 20-21.129
Il est une formule qu’on a beaucoup lu et souvent pas comprise. : l’action directe contre l’assureur de responsabilité se prescrit dans le même délai que son action contre le responsable, mais elle peut être exercée au-delà tant que l’assureur reste exposé au recours de son assuré.
Que veut-elle dire ? Que le tiers lésé se voit conférer contre l’assureur deux ans de plus de délai de prescription (prescription biennale dans les rapports assuré/assureur) ?
Non.
Prenons les faits qui ont abouti à l’arrêt ici commenté ( Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n° 20-21.129)
Des désordres affectant des travaux de ravalement d’une maison, , un protocole avec les constructeurs, un procès-verbal de réception, assorti de réserves, signé en septembre 2015., date effective de la garantie de parfait achèvement pendant le délai d’un an, aux termes de l’article 1792-6 du code civil.
Les travaux ne sont pas adéquats. Le propriétaire assigne l’entreprise et son assureur en référé-expertise en juin et août 2016. Liquidation judiciaire de l’entreprise et, donc assignation en expertise commune du liquidateur. Assignation au fond de l’entreprise et son assureur en décembre 2017 et janvier 2018 sur le fondement du texte précité.
La cour d’appel déclare sa demande irrecevable comme prescrite.
Elle considère que le délai d’un an pour agir au titre de la garantie de parfait achèvement a bien été interrompu par les assignations en référé délivrées en juin et août 2016, mais il a recommencé à courir pour un nouveau délai d’un an à compter du 12 octobre 2016, date de l’ordonnance de référé. Etant observé que l’assignation en expertise commune délivrée le 16 décembre 2016 au liquidateur n’a pas eu pour effet d’interrompre le délai de forclusion annale, de sorte que l’action formée à l’encontre de l’assureur était forclose lorsqu’elle a été engagée en janvier 2018.
L’arrêt est cassé pour violation de l’article L.114-1 du code des assurances sur la prescription biennale et L.124-3 du même code sur l’action directe.
La Cour de cassation indique que « Si l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l’assureur, au-delà de ce délai, tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ».
En l’espèce, Un délai de 2 ans pendant lequel on pouvait assigner son assureur (prescription biennale) avait couru à compter de l’assignation en référé expertise en juin 2016. Et il n’était pas encore expiré lors de l’assignation au fond en janvier 2018.
Il faut dire, simplement que le délai d’action à l’encontre d’un responsable est prolongé tant que l’assureur reste exposé au recours de son assuré,
Ce qui peut sauver des actions, en mettant en cause l’assureur, évidemment.
Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, no 19-24365
Il faut être précis lorsque l’on rédige une clause d’exclusion dans le contrat d’assurance. Lequel, comme on le sait comprend souvent deux volets : celui de l’assurance des choses, des « biens » et celui de l’assurance de responsabilité.
1 - Soit la clause d’exclusion suivante figurant dans les « exclusions communes aux garanties de vos biens » :
« les pertes d’exploitation, pertes de marché, pertes financières autres que les pertes de loyers et la perte d’usage »
2 – Un incendie endommage un ensemble immobilier, propriété d’une commune qui l’avait donné à bail à plusieurs colocataires (dont un restaurant et un musée)
Le restaurant, locataire, était garanti pour ses pertes d’exploitation par la société Assurances du crédit mutuel.
Cet assureur indemnise son assurée et exerce un recours contre la Commune (qui l’avait donné à bail) assurée auprès de la CIADE
Il obtient gain de cause, la Commune et la bailleresse sont condamnés in solidum au paiement de la somme qui avait été réglée au locataire au titre de la garantie « Pertes d’exploitation » soit 164 602,20 euros.
3 - La CIADE forme un pourvoi, en reprochant à l’arrêt de la condamner in solidum avec la commune à payer à la société ACM Iard la somme de, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2014 et de la condamner à garantir la commune de Freland de la condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de la société ACM Iard alors :
«que le contrat d’assurance « dommages aux biens » souscrit par la Commune auprès de la Ciade prévoyait qu’elle était assurée contre les dommages causés aux biens dont elle était propriétaire par différents événements limitativement énumérés, mais également en cas d’engagement de sa responsabilité en tant que locataire ou occupante, en tant que propriétaire vis-à-vis de ses locataires et en tant qu’auteur d’un dommage causé aux biens de tiers, faisait état des exclusions de garantie applicables à chacun des cas précités, et listait en dernière page les « exclusions communes aux garanties de vos biens » parmi lesquelles figuraient les pertes d’exploitation, pertes de marché, pertes financières autres que les pertes de loyers et la perte d’usage ;
OR, la cour d’appel avait jugé que l’exclusion de garantie relative aux pertes d’exploitation précitée n’était pas applicable, car, figurant sous le titre « exclusions communes aux garanties de vos biens », elle ne s’appliquait qu’aux dommages causés aux biens de la commune subis par cette dernière et non à ceux subis par un de ses colocataires.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle énonce que la cour d’appel a parfaitement justifié sa décision lorsqu’elle a considéré que la clause d’exclusion n’était applicable qu’aux dommages causés aux biens de la commune, mais non à ceux occasionnés à un colocataire relevant de la garantie souscrite par la commune au titre de sa responsabilité, en tant que propriétaire, sur le fondement de l’article 1719 du code civil.
L’arrêt nous semble logique : l’exclusion visait l’assurance de chose (les biens de la commune et non les conséquences dommageables (ici immatérielles) de sa responsabilité, garantis en général dans le chapitre « recours des voisins et des locataires »
L’exclusion ne concernait que les assurances de choses, les biens de la Commune, sans exclure l’action en responsabilité ayant pour objet le paiement des pertes d’exploitation à la charge du bailleur sur le fondement de l’obligation de faire jouir paisiblement le bien (art 1719 du Code civil)
Ici, une poursuite d’activité du restaurant, générée par le dommage matériel et, partant indemnisable au titre de l’assurance de responsabilité
On ne comprend pas ce pourvoi, manifestement voué à l’échec. La clause d’exclusion ne visait que les dommages causés aux biens de la commune. Elle ne pouvait trouver application.
Il a le mérite de rappeler l’évidence, laquelle est, souvent, oubliée.
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La structure « BELDEV », en réalité une marque ancrée dans sa spécialisation et reconnue de tous, s’est construite dans l’exigence de compétence et de disponibilité sans faille depuis près de 38 ans.
Michel BELLAICHE et Lyne HAIGAR, associés, sont entourés d’une équipe de collaborateurs dynamiques tous spécialisés en droit des assurances (Dommages et responsabilités) et risque d’entreprises, secteurs d’activité de beldev.
Un partenariat renforcé est également noué avec Caroline ALTEIRAC, anciennement collaboratrice de beldev, désormais installée dans le Sud de la France, qui exerce dans le même secteur d’activité.
2 - Le classement AVOCATS “Décideurs Magazine” 2021.
beldev
“EXCELLENT”
Risques industriels et assurances
Assurances, Contentieux de la responsabilité
Responsabilité du fait des produits
Rc professionnelle, risques financiers, réassurance
Construction dont assurance
54, rue de Prony
75017 Paris
+33 (0) 147633059
avocats@beldev.eu
www.beldev.eu
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